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et la langue de rabelais

à cet égard et ont une intelligence moins incomplète des auteurs dont ils abordent la lecture.

De là une nécessité moins absolue d’expliquer en gros et une fois pour toutes, dans un glossaire qui ne s’applique pas à chaque passage, des mots dont le sens général est à peu près connu, mais aussi un besoin absolu de faire saisir au lecteur l’emploi particulier du mot dans chaque passage, les nuances de son sens, sa valeur intime et variable. L’étude ne doit plus être uniquement philologique, elle doit être aussi littéraire et nous faire connaître ce protée qu’est un mot non seulement sous son aspect le plus général, mais encore dans ses incarnations successives, dans les avatars par lesquels il se transforme, passant d’une signification première à une autre fort différente et même quelquefois opposée.

Il faudrait non pas une explication approximative, mais une interprétation variable, adéquate à chaque passage.

Expliquer Rabelais, c’est une grande ambition, mais qui ne demande heureusement ni du génie ni même du talent. Une grande abnégation y suffit. Il faut faire un effort constant pour laisser parler l’auteur ; quand on le connaît bien dans les coins suivant une expression vulgaire, mais qui rend bien notre idée, on s’aperçoit que la pensée, la tournure, le mot qui est obscur en un endroit est presque toujours répété dans un autre sous une forme plus claire. Un patient travail de rapprochement est beaucoup plus efficace que toutes les conjectures.