Page:Rabelais ou imitateur - Le Disciple de Pantagruel, éd. Lacroix 1875.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’abordée qu’elles nous veirent descendre hors de nostre nef, elles vindrent contre nous par moult grande impétuosité, saultant en l’aer comme mytaines ; en sorte qu’elles arrachèrent les nez d’aulcuns de mes gens, à cause que elles ne les pouvoient pas prendre par les oreilles ny par les cheveux, pource qu’ilz n’en avoient point, au moyen dequoy ilz demeurèrent tous camus, dont ilz estoient fort honteux. Toutesfoys nous prismes grand couraige ; à grands coups d’espées à deux mains nous les tranchions à travers du corps, pource qu’elles n’avoient nulz os, et les mismes tous en fuyte, sinon celles que nous tuasmes : car elles demeurèrent mortes, et, n’eust esté ung gros fleuve de moustarde, qui vient d’une fontaine, laquelle sourd de dessoubs ung rocher de pierre grise de la couleur de moustarde, la plus forte que jamais homme gouslast, lequel fleuve court par le millieu et tout à travers d’icelles isles, nous les eussions mises toutes à mort ; mais elles se jectcrent dedans iceluy fleuve, duquel elles ont accoustumé de boyre, et nouèrent oultre.

Aulcuns de mes gens se jecterent après pour les suyvir, et principalement ceulx à qui elles avoient arraché le nez, car ilz estoient fort animez contre elles ; mais, pource qu’icelluy fleuve est de moustarde la plus forte que je vy jamais, et qu’elle leur entroit en nouant dedans les trouz des narrines, ilz furent contrainctz de soy retirer, pource qu’ilz ne pouvoient souffrir ny en-