milieu entre ces deux extrémités, mais enfin le commerce des malheureux est rarement agréable à ceux qui sont dans la prospérité. Cependant, madame, il est des devoirs dont on ne doit point se dispenser, et c’est pour m’en acquitter que je vous assure aujourd’hui qu’on ne peut être avec plus d’estime et de respect que je suis, etc.
Je me plaindrois de votre oubli, monsieur, si je n’avois peur que vous crussiez que je veux insulter aux malheureux. J’ai donc bien voulu faire les premiers pas avec vous dans l’état où vous êtes, mais sans conséquence, s’il vous plaît ; quand vous serez de retour ici, chacun reprendra son rang et ses privilèges. Au reste, j’ai été ravie de recevoir votre lettre, de la lire et de voir la manière dont vous prenez les choses. Je trouve que vous avez bien raison de mépriser ce qui ne sert qu’à donner du chagrin, et de vous être mis l’esprit au-dessus, puisque de se tourmenter n’avance pas davantage. Tout le monde fait les mêmes réflexions, mais peu de gens sont capables d’en profiter aussi bien que vous : c’est que la plupart ne se désabusent jamais et qu’ils n’en ont pas l’esprit ; mais je comprends bien qu’en ayant autant que vous en avez, et ayant autant vu de choses et sur le pied qu’elles sont présentement, vous avez pris le bon parti.
On a fort parlé de guerre en ce pays-ci ; mais selon la coutume des choses violentes, ce bruit n’a pas duré.
J’ai une si grande envie d’avoir une conversation avec vous, que si mes affaires ne me retenoient, je pense que j’irois vous trouver ; mais ce qui modère un peu mes violents transports, c’est que j’espère que vous serez bientôt
