Page:Racan Tome I.djvu/394

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pour les parfaire il les diminue. C’est ce mesme ascendant qui a inspiré dans mon âme cette ambition démesurée de m’élever au-dessus du commun et de faire durer mon nom et ma mémoire plus longtemps que ma vie.

Enflé de cette belle audace,
À peine savois-je marcher
Que j’osay vous aller chercher
Au plus haut sommet du Parnasse.

Ce fut alors que je demanday conseil aux Muses de la voie que je prendrois pour assouvir mon ambition. Je ne remarquay que trois moyens pour aspirer à l’immortalité : les armes, les bastiments et les lettres. Pour le premier, il n’y a que les souverains qui naissent généraux d’armée ; les gentilshommes, de quelque illustre naissance qu’ils soient, n’y peuvent arriver que par d’extrêmes richesses, comme le Walstein et Spinola, ou par de longs et assidus services, comme les mareschaux de Turenne et de Gassion. Tout ce qui est au-dessous de ces hautes charges ne peuvent espérer que de veoir en une médiocre fortune

Leur plus bel âge qui s’écoule
Dans les soins et dans les regrets
De vivre à l’ombre dans la foule
Comme les houx dans les forests.

Cette haute gloire où les grands courages aspirent dépend autant du bonheur que du mérite ; pour deux ou trois qui se signalent dans les armées, il en meurt à milliers dont on ne parlera jamais. Que si

Bien que l’enfant d’Alcmène et l’enfant de Thétis,