Page:Racan Tome II.djvu/410

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Par un miracle nompareil,
La nuit au milieu de ses voiles

A veû naistre un nouveau soleil.

Un bienheureux enfantement
Remplit l’enfer d’estonnement,
Réjoüit les ames captives,
Et rend le Jourdain glorieux
De voir naistre dessus ses rives
Le Roy de la terre et des cieux.

Ce Roy des astres adoré
N’est point né dans un lieu paré
Où la pompe estale son lustre ;
Un haillon lui sert au besoin,
Et n’a pour dais ni pour balustre
Qu’une creche pleine de foin.

Ces petits bras emmaillotez
Sont ces mesmes bras redoutez
Du ciel, de l’onde et de la terre ;
Ils se sont à nostre aide offers,
Et ne s’arment plus du tonnerre
Que pour foudroyer les enfers.

Voyez que son divin pouvoir
Surpasse tout humain savoir
De quiconque le considere :
Dieu de son corps est createur2,
Une vierge enfante son Pere,
Et l’œuvre produit son auteur.


2. Le quatriéme vers de la cinquiéme stance de ce Noel s’est imprimé et chanté depuis quarante ans ainsi : Dieu de luy-mesme est createur. Mais les reverends peres docteurs qui m’ont donné l’approbation l’ayant condamné, je l’ai changé comme vous le voyez, avec beaucoup moins de force qu’il n’estoit, et ai mieux aimé passer en cette occasion pour bon chrestien que pour bon poete. Je conseille ceux qui le chantent et retiennent par cœur d’en faire de mesme et de suivre entierement les sentimens de l’Eglise. (Note de Racan.)