Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/132

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temps en temps. Ce pauvre mort d’amour ne serait pas mort si vous aviez daigné apprendre plus tôt que les corps ne signifient rien mais que les âmes sont tout. Si vous aviez eu quelques études artistiques vous auriez écrit à cet homme des lettres spirituelles : il aurait certainement répondu, et de la diffusion de vos deux esprits serait arrivé l’oubli de vos deux corps. De plus vous auriez compris, en respirant comme on respire une rose, l’idée qu’il se faisait de vous, que l’amour bavard est autrement sympathique, charmeur, éternel que l’amour agissant.

— Oh ! j’en suis sûre… murmura Berthe pelotonnée au fond de sa causeuse… je vous avoue que rien ne me fatigue davantage.

— Quoi ?… qu’est-ce qui vous fatigue ? interrompit Maxime un peu impatienté.

Elle partit d’un franc éclat de rire. Sa petite main fine et pointue comme la patte griffante d’un rat lui adressa un signe moqueur.

— Continuez, nous étions à l’article des roses.

— Non… expliquez, chère Madame.

— L’amour qui ne parle pas !… Monsieur, celui de mon mari.

Maxime rapprocha son fauteuil, atteignit par distraction une coupe de bonbons et il soupira.

— Vous espérez que le mien vous reposera ?

Un silence eut lieu. Berthe près de la cheminée s’était mise à tisonner, dissimulant sa gaieté mauvaise. Pour la première fois qu’elle flirtait de près,