Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/139

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La pensée de sa mère lui vint brusquement. Elle se demanda pourquoi elle la voyait si peu. Elle était bien ridicule, madame Gérond, mais si bonne ! Ah ! comme elle rudoyait ce souvenir sacré de sa mère avec Jean qui ne pouvait la supporter ! Vraiment, elle faisait une odieuse fille, elle n’avait pas de cœur. Oui, elle irait la voir… elle lui offrirait ce fameux édredon de duvet de cygne qu’elle désirait pour les grandes gelées.

Que devenir ? cet homme l’aimait-il ou ne l’aimait-il pas ? Y avait-il donc plusieurs façons de s’aimer ? Comment vivre sans cesse à côté de Jean et ne pas lui dire la vérité ? Oh ! cette carte de visite sur laquelle son nom était écrit si fin, si discrètement… cette carte luisante, parfumée d’edelweiss qui traînait à terre et l’attirait malgré tous ses efforts pour s’en détourner. Que devenir ?…

Il lui avait demandé cette preuve !… Mais c’était tout lui accorder, tout… elle n’était jamais sortie le soir seule… Jean ne devait pas revenir, il avait des affaires, le Cercle, un souper peut-être… ; cependant elle ne pouvait pas se sauver ainsi, abandonner son mari qui l’aimait plus qu’aucun amant ne l’aimerait…

Elle se tordait les mains, souffrant le martyre, et ne pouvant achever ses réflexions décider qui fût raisonnable. À neuf heures, elle se rendit dans sa chambre, voulant se coucher pour tâcher de dormir. Elle aperçut les débris de la statuette, et appela sa femme de chambre.