Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/144

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― Je désire causer avec vous, en effet ; quant à vos intentions gracieuses, je m’en moque, mon cher comte, riposta Soirès faisant craquer ses phalanges, je commence par vous déclarer que ce « mon ami » est de trop et que vous ne devez plus vous en servir. Tenez… monsieur de Bryon, je viens simplement pour vous dire que je vous hais !

Il y eut un silence. Le comte, redressé, prit place au coin de sa cheminée, il se croisa les bras d’un air indifférent, et dit, sans que son accent traduisît la moindre impression fâcheuse :

— Ah ! depuis quand votre haine, mon cher monsieur Soirès ?

— Depuis aujourd’hui… Vous voyez, je n’attends pas pour vous expliquer mes nouvelles façons d’agir. Je vous hais, je crois même que j’ai envie de vous tuer… alors, comme je souffrais trop de ne pas vous savoir à portée de mes poings, je suis venu ici. Écoutez, comte, ne riez pas, ne bougez pas, car je sens que je laisserais là le peu d’éducation qui me reste. Je suis un pauvre imbécile de manant, moi, je taperais sans vous entendre et sans les preuves que demande la justice dans ces sortes de circonstances. Encore un sourire comme celui que vous avez sur les lèvres, et je vous brise.

Soirès parlait les dents serrées, se tenant vis-à-vis du jeune homme toujours immobile. Le comte reprit son sérieux, car il devinait probablement que l’énergumène le ferait comme il le disait.

Monsieur Soirès, dit-il avec une exquise poli-