Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Et quand on pense qu’il ne l’aime pas… ce monstre… il ne l’aime pas ! je voudrais le forcer à l’aimer, moi, car alors elle s’en dégoûterait peut-être… Oh ! le misérable indifférent !

Pour Soirès, la torture était d’autant plus tenace qu’elle venait il ne savait d’où. Pas de crime à punir, pas de honte à laver, rien que le fantôme d’un adultère sans l’adultère lui-même.

Le comte lui laissait le beau rôle, il avait dédaigné de lui ravir sa femme.

Lorsqu’il avait pleuré, il tâchait de raisonner une minute.

— Voyons, mon ami Soirès, se disait-il, regarde le danger en face… ce sont dès chimères… l’aspiration, les rêveries, l’âme, les communions du cœur… des blagues !… Ma femme n’est pas à lui !… Sacrebleu !… ils ne se sont jamais embrassés… et je suis pour les choses positives… Quel est le maître de la situation ? Moi… toujours moi !… Vie triste, monsieur, qu’un amant qui préfère l’archéologie aux filles plantureuses… Berthe, en somme, n’est pas si froide… au bout d’une nuit elle détesterait mon aristocrate.

Pourtant Soirès s’affolait dès que le nom de l’aristocrate se glissait, le traître, jusqu’à son oreille.

Au Cercle, il voyait assez régulièrement Maxime. Celui-ci se dirigeait vers lui à son entrée dans le salon de jeu, lui tendait la main avec son habituelle grâce nonchalante, lui demandait d’un ton grave des nouvelles de madame Soirès et, sans transition, de-