Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/161

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venant fort enjoué ; il le prenait à partie au sujet des cancans de la Bourse.

Impossible de deviner ce que ce fils des preux pouvait comploter comme revanche… Voulait-il, d’ailleurs, une revanche ?…

Soirès s’étourdissait en bavardages goguenards. Il s’informait des études du jeune homme… eh ! comme l’archéologie l’emplissait d’une joie sauvage ! et les arts donc, les belles lettres, la peinture, la musique !

— Racontez-moi vos découvertes, disait-il en allant s’asseoir dans un coin avec le comte : si vous saviez combien je m’intéresse à vos travaux !…

Et sans une allusion fâcheuse à l’étrange situation qu’ils se créaient volontairement, les deux hommes discutaient de la valeur réelle d’un tableau en montre chez un célèbre brocanteur, d’un vase antique récemment exhumé ou d’une collection d’indéchiffrables médailles.

Parfois, le banquier oubliait ses rancunes pour se laisser prendre au charme de son ennemi intime.

Il s’avisait de lui crier :

— Mais, cher petit nigaud (et il ajoutait à cette phrase une tape amicale sur la cuisse) pourquoi, au lieu de courtiser une vieille duchesse rance, ne vous amusez-vous pas à corps perdu ? C’est agaçant d’en savoir si long pour pratiquer si peu !… Voulez-vous que je vous débauche, moi ?

— Monsieur Soirès, vous êtes un républicain, répondait invariablement le charmeur.