Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/192

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Chacun supposait qu’il allait lui tendre la main, mais Jean Soirès voyait les choses à un point de vue différent. Il voulait tuer ce Monsieur parce que ce Monsieur le gênait et non parce qu’il le haïssait. Il regrettait même toutes les agréables conversations que cela lui ferait perdre.

— Messieurs, ajouta-t-il d’un ton bourru, — il sentait que le froid était vif, — dépêchons-nous, j’entends me battre pour de bon, à mort, s’il vous plaît.

Les témoins abasourdis voulurent parler de réconciliation… déplorant que des donzelles fussent toujours la cause d’irréparables malheurs.

— Sacré domino rouge ! marmottait de Cossac.

— Une machine à effrayer des taureaux ! affirmait Desgriel guignant Soirès du coin de son œil doucement narquois.

— Je suis de l’avis de mon adversaire ! déclara le comte de Bryon qui retirait avec un sourire aimable ses gants fourrés.

— Mais c’est absurde !… puisque le banquier vous fait presque des excuses, il avoue qu’il était gris !

— Cela ne le regarde pas… sans doute ! riposta Maxime toujours gracieux.

Desgriel finit par décider qu’on se battrait à mort ; il craignait aussi le froid et se disait que la balle d’un pistolet vaut mieux qu’un rhume de cerveau, c’est plus poétique. Le charmant poète des jolies femmes était d’une bravoure d’ailleurs romanesque ; il l’emporta ; les témoins du comte de Bryon se rangèrent de son avis… De temps en temps, Soirès pensait