Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/24

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peur affreuse) et d’une femme de cœur constant, quoique dure dans ses critiques, madame Camille Delaville, un journaliste très redresseur de tort en parole, mais très généreuse en action, comme toutes les femmes de race.

La vie revenait lentement… le souvenir de Catulle s’effaçait. Rachilde un matin se trouva debout, ses yeux brillèrent : « Je sors » dit-elle fièrement « Pourquoi faire ? demanda la maman. » « Pour regarder les étalages », murmura l’entêtée qui avait son idée. Elle descendit son quatrième étage en y mettant une heure, puis attendit un omnibus ; elle se rendit rue de Tournon et remit à l’un des nombreux commis de Lalouette une enveloppe contenant cinq francs, le prix d’une course en voiture, avec prière de placer cette enveloppe sur le bureau où Mendès corrigeait ses épreuves. Rachilde s’était rappelée qu’elle devait une voiture à Mendès. Elle conservait cette douce monomanie de son transport au cerveau. Ah ! bien pénibles de telles monomanies quand elles sont accompagnées d’un teint pâle, de deux yeux creux et de gestes à l’impératrice romaine. Bien pénible !

À partir de ce moment béni de la convalescence, Rachilde fut reprise de ses idées d’indépendance à tous crins. Elle s’installa dans un hôtel borgne par boutades, puis le bruit de baisers qui s’échangeaient derrière la cloison l’empêchant de dormir, elle chercha un autre coin : elle avait quelques sous de par un courrier de mode régulier à la Chronique parisienne ; elle allait de côté et d’autre sans trop de pensées bizarres ; le noyé avait disparu depuis longtemps ; elle songeait à un roman qu’elle avait entrevu son transport durant… elle entra un soir dans un café, le café de l’Avenir ; on y disait des vers. Rachilde fronça d’abord les narines. Hum ! des bocks, de la fumée, une odeur de gens peu soignés qui boivent beaucoup. Elle vit, se détachant des groupes. Léo