Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/25

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Trezeniks, Jean Moréas, Laurent Tailhade, les Margueritte, Verlaine, Taboureux, de Guaita, Marsollo, Ycres, Jules Renard, Joseph Caraguel, Mélandri, Paul Marrot, Joseph Gayda, Haraucourt, Rameau, Darzens, etc… elle entendit des névrosés, des névrosés comme elle, mais mieux équilibrés qu’elle. (Le mot décadent n’était pas encore à la mode). L’odeur de taverne l’énervait ; pourtant certaines têtes aux allures indépendantes lui allaient. Ah ! si elle pouvait causer et marcher ! À présent elle était réellement sauvée ! En réalité, comme elle était venue toute seule on la prit pour une grue, et elle fut trouvée maigre.

Alors, elle se passionna pour Taboureux, sentant bien que ce bohème ne lui ferait jamais la cour et qu’il était bon… Taboureux l’appelait petite pintade. Elle ne sut jamais si cette injure pourrait devenir mortelle. Les jours de grande dèche, elle fermait hermétiquement sa porte pour que Taboureux ne pût pas lui passer une invitation à dîner, et Taboureux affectait des airs de poète aux prises avec la rime lorsque c’était son tour de ne rien palper à la Chronique parisienne. Vint l’heure de l’absolue pauvreté quand même ; Rachilde se dit qu’il fallait gaiement se jeter dans le ruisseau ou… écrire en deux semaines cette œuvre immonde : Monsieur Vénus. Ce fut le plus scandaleux triomphe, non comme argent, mais comme vice. Ce cerveau surchauffé par un désespoir égoïste, car c’est de l’égoïsme que de vouloir vivre sans payer un juste tribut à la nature et à la société, ce cerveau exacerbé fournit la carrière du cheval, qui désarçonne le cavalier ; pour courir plus vite il jeta tout par terre et un petit nombre de lecteurs (dix mille) apprirent qu’une femme qui se nommait Raoule de Vénérande pouvait faire d’un homme, Jacques Silvert… une maîtresse. Le triste succès du roman ne fut pas dans le