Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/249

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mari la retrouve, j’irai la voir… ce sera plus fort que moi !

Anne fit semblant de ne pas entendre, et elle ne rapporta pas la réponse.

Une semaine s’écoula, Berthe était au septième mois de sa grossesse, elle demeurait mignonne et délicate de visage, gardant la grâce de sa personne, comme si la pauvre coquette avait eu jusqu’à la dernière minute la pensée de plaire à tous ceux qui l’approchaient.

Sa pâleur devenait diaphane, ses yeux bleus s’estompaient d’un cercle de bistre, elle se soutenait difficilement sur ses petits pieds, mais ces changements inévitables la rendaient encore séduisante, elle pouvait ne pas trop craindre les surprises.

Attendait-elle, quelquefois, aux instants de répit que lui laissaient ses angoisses maternelles, le fiancé de son âme ? Non ; pourtant elle attendait quelqu’un ou quelque chose qui l’empêcherait d’avoir peur.

Berthe avait peur la nuit quand les vagues, en déferlant sur les rochers, jetaient leurs plaintes formidables ; elle avait peur le jour quand le vent d’automne faisait craquer le grand sapin sous lequel on abritait son lit de repos. La sauvage contrée lui paraissait bien immense pour être habitée par une faiblesse comme elle ! L’air creusait sa poitrine et brûlait sa gorge. Oh ! la chambre close de l’hôtel Soirès, sa chambre au milieu de la vie insouciante du Paris des riches !… Là-bas elle aurait été défen-