Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/28

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En réalité, Rachilde devenait amusante, et quand on amuse un certain Paris, il vous pardonne tout. La réputation du jeune romancier fut plus écharpée que jamais. On l’accusa d’aimer les hommes, les femmes, les chiens, les chats et les cochers de fiacre.

Il y a quelques inexactitudes dans les appréciations des journalistes !… espérons le !… Mais la névrosée qui ne craint pas le poids d’un cadavre sur sa réputation, qui va jusqu’à la tache de sang sur sa robe blanche, est capable de bien des choses inavouées, n’est-ce pas ?… Le fanfaron de vice est déjà vicieux… la décadence nous tient à la gorge… On ne passe pas sans se déchirer aux pointes de fer hérissant la grille qui sépare la vie obscure de la célébrité. Où sont les leçons d’Eugénie Sauvinet… Pauvre petite marquise de Sade !

Et Rachilde aujourd’hui compte des ennemis dans cette vallée de larmes comme si elle n’était ni femme, ni jolie, ni jeune.

Tant pis pour elle ! jetée en pâture à l’extravagance, elle est devenue sa proie tout entière, elle doit être étrange ou ne plus être, et c’est encore bon d’être quand on a une mère compatissante, du pain, des amis dévoués, une excellente concierge… et 25 ans !…

Oui, Madame, c’est bon… Vous qui, riche, heureuse, ayant un mari et des petits enfants, disiez un soir en buvant du thé : « On prétend que Rachilde a failli mourir de faim avant Monsieur Vénus… pourquoi ne mourut-elle pas ?… c’était si simple !… On pouvait se passer de ce monstre ! »

Ah ! Madame ! c’est que vivre est encore pour les monstres comme pour les autres la suprême joie !…

Et il est des monstres sachant demeurer des hommes