Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/32

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yeux bleus, des cheveux de cette couleur qui fut une mode au temps de la Rome décadente et que les décadentes de ce temps-ci finiront par user. Ils étaient paille, vraiment paille, naturels, frisés très fous au-dessus du front. Berthe Soirès ne se teignait pas, mais, ce qui était plus grave, elle donnait aux autres l’envie de se teindre.

La jeune femme prit une glace à main pour arranger le triple rang de ses perles, puis tout à coup elle ramassa le bouquet de violette, le flaira, et eut un léger frisson.

— Il n’est pas encore minuit ! répéta-t-elle.

Alors elle s’assit sur sa chaise longue, le regard toujours fixé sur le cadran que portait la Vénus, offrant la mine naïve d’une fillette dont le costume vient d’être admiré.

Elle était, cette très jolie créature, d’une sérénité profonde, et examinait ce bouquet de pauvre avec indifférence.

Cependant, à ce moment, elle devenait digne de monter sur l’échafaud, la très jeune femme, au visage de vierge. Elle tuait ; et elle cherchait à se rendre compte de cet acte effroyable, comme l’anatomiste cherche devant un cadavre ouvert le secret de la mort !

L’histoire était d’une grande simplicité : elle avait rencontré dans un salon, l’hiver dernier, un monsieur ni jeune ni vieux, ni beau ni laid, qui lui avait dit des yeux (pas même des lèvres) : ― Voulez-vous ?…

Elle avait répondu : — Non !