Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/33

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Sans invoquer d’ailleurs sa situation de femme mariée, Mme Soirès avait répondu non parce que le soupirant lui déplaisait, et elle avait ajouté dans un sourire peut-être bien effronté, peut-être bien rempli d’une lointaine promesse :

— Mais vous pouvez me contempler !…

De cela, il allait mourir bien plus que du refus, en apparence formel. Il avait écrit. On avait lu ses lettres sans cesser de sourire, comme on lisait les déclarations de tous et on avait murmuré deux mots : « Pauvre garçon ! »

L’homme avait suivi les salons, les rues, les plages, les bois, exaspéré, s’imaginant qu’un autre existait pour Mme Soirès durant l’attente qu’il croyait imposée, et enfin il avait résolu de terminer ses tourments d’un seul coup, d’un coup de feu en pleine poitrine.

« Pauvre garçon ! » murmurait de nouveau la compatissante créature.

Elle tournait et retournait la lettre d’adieux, cette lettre qu’il est de tradition de commencer par : « Quand vous lirez ces lignes… etc… » Il déclarait même qu’il se tuerait sous les fenêtres de l’hôtel, dans le tumulte de la rue, vis-à-vis la porte de leur maison :

« … Si à minuit vous n’envoyez pas un domestique me faire la charité d’une réponse… »

Mme Soirès avait prévenu son mari.

— Une excellente plaisanterie ! avait déclaré celui-ci, fort calme.

Pour elle, elle était presque sûre du suicide de cet