Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/34

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adorateur dont la fixité des prunelles l’avait déjà frappée. Elle le croyait plus fou qu’amoureux, et par conséquent il devait se tuer.

Que pouvait-elle y faire ? Rien. Tout au plus supprimer ses cheveux luisant de dorure, son teint de rose blanche et son corps qui se balançait sur ses pieds menus comme une fleur de vanille sur sa tige trop mince ! Nous avouerons qu’elle n’y pensait pas.

Cependant Berthe, s’échappant de la fête, était venue dans cette chambre pour y être sérieuse un moment, le moment solennel, et puis, là, les fenêtres ne donnaient pas sur la rue, elle n’entendrait pas ce coup de feu. Sa cervelle de jeune oiseau se livrait à un véritable travail, elle s’efforçait de penser à la même chose durant plusieurs minutes. Qu’était-ce que la mort ?

Son père devait être mort, mais elle n’avait jamais connu son père ; sa mère vivait. Elle avait vu seulement quelques enterrements de première classe depuis son mariage. Elle avait entendu parler, à l’âge de huit ans, d’un crime commis à Lyon où elle habitait avec sa mère. On l’avait envoyée tout de suite chez une tante, et elle ne se souvenait que de l’uniforme d’un sergent de ville aperçu par le trou d’une serrure.

Quand elle avait été reçue dans le couvent des sœurs de Sainte-Marthe, à Paris, on lui avait expliqué, avec des images, ce mot : mort, par cet autre : délivrance. En épousant, à dix-sept ans, le banquier Soirès, une fortune inespérée, elle avait achevé de