Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/45

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— Berthe, lui dit-il en se penchant, ce ne peut être que lui ! M’aimes-tu ou l’aimes-tu ?… Que signifie ton trouble ?

— Je t’aime, mon cher mari, tu le sais bien… mais c’est horrible !… j’ai peur !…

— Non… c’est un brevet de vertu et de beauté qu’on te décerne… voilà tout !…

Si on avait dévisagé, à cet instant suprême, la physionomie de Jean Soirès, on aurait été étonné d’y découvrir autant d’intelligence mélangée à autant de cynisme.

La jeune femme, d’abord, hocha la tête comme une enfant qui s’éveille d’un songe pénible. La fille d’Ève finit par avoir le dessus.

— Alors, fit-elle, n’osant ni rire ni pleurer, ce n’est pas mal de né rien ressentir là ?…

Elle montrait la place de son cœur sur son corsage de satin.

— Les coquettes, Berthe, ont besoin de porter cuirasse ! Vous êtes coquette !…

— Et je ne dois pas avoir un remords ?…

— Je vous le défends, petite folle !…

Elle se dressa dans le déploiement superbe de sa robe, faisant cliqueter quelques perles, puis elle ouvrit son éventail.

— Eh bien !… vrai, je ne ressens rien… rien !…

Jean eut un sourire de triomphe.

— Poupée !… va !… répondit-il d’un ton bienveillant.

— Seulement, ajouta-t-elle, ce magnétisme