Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/47

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Peut-être était-ce une ironie, cette fossette, car le maintien du comte décelait surtout l’ennui.

Mme Soirès reculait toujours, se cachant le visage, éperdue, et, embarrassant ses petits pieds dans la traîne de sa jupe, elle tomba en arrière en répétant :

— Il a le gant rouge !… Il a le gant rouge !…

Jean Soirès saisit la main du nouveau venu pendant qu’on relevait Mme Soirès évanouie.

— En effet, balbutia-t-il, vous avez du sang sur la main droite !

Ce fut comme un claquement de fouet parmi tous les amateurs de magnétisme.

Les journalistes s’agitèrent. Les invités formèrent immédiatement un cercle autour du comte pour examiner la tache sanglante qui avait produit sur Berthe un tel effet.

— Je suis désolé, Messieurs, dit l’homme au gant rouge, et je vais vous expliquer, puisque cela devient nécessaire. Un pauvre diable s’est suicidé tout à l’heure dans cette rue, mon coupé ayant fait un détour, je me suis informé, je suis descendu et j’ai dû transporter le cadavre dans une pharmacie, aidé de mon cocher. J’ai sans doute appuyé mon gant sur sa blessure… En vérité, je suis honteux.

Soirès n’était pas à son aise. M. de Bryon ôta son gant avec un dépit mal dissimulé, puis traversant la foule des invités qui s’écarta d’ailleurs très vite, il alla lancer ce gant taché dans la braise