Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/53

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d’ailleurs, pour un membre de la gauche, c’était remplir son mandat vis-à-vis de ses électeurs.

Jean Soirès s’installa dans une bergère ; le député, amusé, se mit à tisonner le feu, assis sur une chaise. Les intrigants se retirèrent, ne voulant pas poser derrière cet ouvrier en blouse.

— Tu as vingt-quatre ans ? demanda le jeune républicain, et de la poigne, n’est-ce pas ? Je me fais bâtir un hôtel, je vais te faire embaucher par mon architecte. Tiens !… je crois que le métier de maçon ira à tes épaules.

— Jean riait, fourrant ses grosses bottes trempées de neige sur les tisons flambants. Et les tisons s’éteignaient peu à peu.

— Maçon ? Euh !… Dites donc, notre député… papa Soirès est mort, maman Soirès aussi,… la bicoque est vendue depuis longtemps avec le champ de vigne… Me voilà tout seul, quoi ! Vous vous rappelez bien, le chemin de Cheminade-les-Haies… en sortant de la ville ? Nous avons fait des trous, hein, dans ces haies ?… au temps ou nous partagions des miques !… où j’étais petit, et vous déjà grand… Fils de notaire et fils de paysan, ça se valait !… Vous ne vouliez pas reprendre l’étude, et moi je ne voulais pas conduire la charrue !… Quant à bâtir, ce n’est pas mon genre… j’ai la bosse du commerce !… et si vous aviez un apprentissage à m’offrir…

Pendant qu’il parlait, le député républicain, un peu pris au piège, songeait que c’est terrible le pays en accrocs, lorsque la pièce de cinq francs ne suffit