Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/63

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vous de Mme de Louelle, une de ses conquêtes, femme de sport qui, de temps en temps, cravachait les impertinents de son monde et qui, à huis clos, permettait à ses cochers de lui briser des potiches du Japon sur les épaules.

Cependant Soirès n’oublia pas le collègue de la rue Vieille-du-Temple, bien que l’affaire fût bâclée et que sa suite eût peu d’importance. Il arriva cinq minutes avant l’heure des réceptions du juif.

Cette fois, la demoiselle en bleu montait, son petit panier était empli de maigres provisions.

Il s’empressa de saluer. Les lèvres de la jeune fille ébauchèrent péniblement un sourire.

Soirès, avant de sonner, dit très respectueusement :

— Vous m’en voulez donc, Mademoiselle ? je suis forcé de me trouver sur votre passage, car je viens tous les jours ici !

— Non, Monsieur, je ne vous en veux pas, répliqua-t-elle avec gravité… je choisirai un autre moment, voilà tout, puisque l’escalier est trop étroit pour nous deux.

« C’est qu’elle ne doit pas être sotte, pensa Soirès agacé ; alors ce n’est pas la peine de se vêtir de bleu comme une sainte Vierge ! »

En fait de religion, Jean Soirès n’avait jamais rêvé la Vierge spirituelle.

Et il pénétra chez son juif l’air soucieux.

Huit matins durant, Jean chercha sa vision soit dans la rue, soit dans les boutiques de la rue. Une