Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fois il crut apercevoir un jupon azuré au fond d’une crémerie, mais, saisi de pudeur, il n’osa pas faire stationner son coupé devant la maison.

Toutes les natures de manant tendent à s’élever jusqu’aux femmes élégantes dès que la société leur est ouverte. Soirès laissait les intrigues de bas étage aux grands seigneurs blasés. Jamais la grisette ne l’occupait sérieusement. Il s’étonna lui-même de se trouver si souvent à la porte du collègue juif. Pour se consoler il se répétait : « Cette petite a déjà eu le temps de se créer des revers de fortune… elle a fait le tour du Bois comme les autres ! »

Jean n’avait jamais respecté, mais il faut ajouter qu’il n’avait jamais connu de jeunes filles authentiques.

La demoiselle en bleu, avec ses cheveux tressés, ses yeux modestes quoique fiers, avait pour lui tout l’attrait de l’inconnu.

Il fit causer son capitaliste. M. Siméon s’expliqua d’une voix goguenarde. S’il avait été roulé sous le rapport de la spéculation, il était clair qu’on allait rouler le millionnaire de bien meilleure façon.

— Ah ! fit-il, Berthe Gérond, une jolie précieuse, encore ! Ça n’a pas dix-sept ans et c’est pur !… Sa mère, une veuve, se fâche toujours avec notre excellente concierge ; une grincheuse, la mère !… On est pauvre… jusqu’à ce qu’on tourne mal !… On sort de pension !… Vous vous y casserez le nez… J’ai essayé, moi, de prendre une oreille ou un doigt… on