Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/71

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ce que tout y est encombré d’étoffes qui sèchent… ma pauvre maman ne guérira pas de sa toquade. Elle cherche toujours son secret, expliqua Berthe avec une grâce un peu boudeuse.

Elle le fit pénétrer dans le sanctuaire, sa chambre, toute blanche, ornée de nœuds de percale. La descente de lit représentait un vol de colombes enguirlandées et se becquetant. Une statue de Notre-Dame de Lourdes, trois lithographies, dont une vue du Trocadéro le 14 juillet, rompaient la monotonie des murs simplement blanchis à la chaux. Elle lui offrit son unique fauteuil recouvert d’une housse en mousseline tuyautée et se remit, près de sa petite lampe, à broder sans embarras.

Jean, les yeux fixés sur les cheveux paille, frémissait, ne trouvant pas un mot.

— Maman tombera malade, Monsieur, reprit Berthe, tirant son aiguille régulièrement ; elle rêve tout haut, elle ne mange plus et elle achète des échantillons de velours dans tous les magasins. Essayez donc, Monsieur, de la calmer !…

Brusquement, le banquier sursauta. Il venait d’apercevoir, au dessus des cheveux, peinte au mur, une horrible chose : une main d’un vert cadavérique, d’un vert ignoble, les doigts écartés comme dans l’angoisse du dernier soupir.

— Ah ! murmura Berthe levant les yeux, prise d’envie de rire, c’est la chimie, Monsieur.

— La chimie ?

— Sans doute… maman est venue là pour m’ex-