Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/76

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main, parlant très haut, répétant les refrains avec les chœurs ou expliquant les jeux de mots des comiques. C’était atroce. Jean se révoltait de temps en temps, puis les cheveux de Berthe venaient le frôler si à propos que toutes ses grimaces de rage se métamorphosaient en sourires.

Pourtant ce n’était pas une anémique, cette petite femme, elle ne se troublait pas sans cause, peut-être commençait-elle à comprendre, mais elle avait une pudeur qui grisait Jean et l’éloignait du même coup. Il l’aimait de telle façon qu’il ne pouvait se résoudre à la faire pleurer davantage. Un soir dans une loge grillée dans laquelle la mère les avait laissés un instant pour aller chercher son manteau elle-même — un manteau garni de fourrures, Monsieur ! — Jean devint plus pressant.

— Vous moquez-vous de moi… Berthe ?… disait-il, et ne savez-vous pas, à présent, si, oui ou non, vous voulez m’aimer ?…

Berthe effarée se tenait cachée derrière le fauteuil.

— Pourquoi ne me demandez-vous pas à maman ?… elle vous donnerait la permission de m’embrasser devant elle. Et ce beau regard bleu se levait, avec de doux reproches sur le jeune homme.

— Berthe… c’est agaçant à la fin… toujours votre mère ; d’ailleurs, on n’a pas besoin de se marier pour s’aimer… Au contraire !…

Elle hocha le front.

— J’avais confiance en vous, Monsieur Jean,