sincère, surtout calculateur et gentiment despotique comme le sont tous les amours de fille.
Quand Soirès s’aperçut du « premier fruit amer » selon son expression, il adorait Berthe à en mourir, il lui était impossible de se reprendre aux âcres voluptés que lui fournissait chaque jour la réalisation de son rêve libertin. Il lui fut impossible de rechercher les tranquilles amours du mari.
Un instant il se demanda s’il ne se traînerait pas à ses pieds pour implorer son pardon. Quel pardon ? Puis il eut l’idée absurde de plaider, sans cause, en séparation de corps… puis il pleura, pleura beaucoup ; puis il fit un coup de bourse et offrit à sa femme pour ses étrennes la rivière de diamants qu’elle désirait.
Soirès était de ces viveurs positifs qui ont la souffrance morale en horreur. Il faisait le bien autour de lui, et rendait une pauvre créature, une bâtarde, heureuse comme un oiseau libre… pourquoi serait-il puni ?… De quelle loi sociale relevait-il ?… Il ne pouvait être banalement jaloux. Elle ne comprendrait pas, et il avait la terreur de lui enseigner aussi la raillerie.
Alors, il dressa un plan, il réfléchit, il s’enferma, il eut plusieurs semaines la tête d’un banquier en déconfiture et, soudain, reprit ses rires épanouis, offrit des poignées de mains à ses associés ; il avait tué la bête, décidément. Si Berthe voulait flirter, elle flirterait devant lui, parbleu ! Non pas avec un, mais avec tous ; elle inventerait des modes, elle le ruinerait