Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/83

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bien imprudente de sortir du lit sans peignoir. Veux-tu que je fasse venir ta femme de chambre ?

Elle s’exaspéra :

— Jean, tu vas me dire tout de suite pourquoi je n’en ai pas… tout de suite… ou je ne t’embrasse plus.

Elle trépignait, elle griffait. Pendant une heure, ce fut une adorable lutte d’un hercule contre une petite chatte. Naturellement, la chatte l’emporta.

— Eh bien !… mignonne, répondit l’époux impatienté, tu es encore trop jeune et trop étourdie ! Que ferais-tu d’un bébé ? Voyons ! Cela vous rend laide, cela vous déforme, on en devient très malade…

— Ah ! murmura Berthe songeuse.

Jean pencha la tête en souriant.

— C’est pour le berceau de dentelles, hein ? lui dit-il, car il avait la suprême qualité d’être philosophe malgré la vivacité de ses passions.

— Je crois que oui ! répondit-elle.

En réalité elle fut vexée de ce qu’il ne la prenait pas assez au sérieux, et comme ce jour-là ils donnaient un déjeuner de garçons avant d’aller aux courses, elle se montra fort coquette vis-à-vis de tous ces messieurs.

— Premier fruit amer !… pensa Jean Soirès.

Elle était ce qu’il la faisait, fille, tout en demeurant naïve, et de plus en plus désirable. Peut-être même dangereuse. Il l’aimait sensuellement, elle lui rendait un pareil amour demi méprisant, demi