Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/96

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Son salon redevenu désert, Berthe respira.

Le lendemain, elle commanda elle-même le repas, ordonna de tenir prêts les trois chevaux, et fut d’une gaminerie charmante vis-à-vis de son mari.

— Vous avez fait la paix ? dit celui-ci ne comprenant rien à ce revirement subit.

— Je crois que oui… ensuite tu prétends que ton ami est intelligent et je veux te prouver le contraire, il est muet comme la tombe, tu sais !…

Jean haussa les épaules.

— Parce qu’il devine que tu n’es guère au courant de ce qu’il pourrait te dire.

La pensionnaire se révolta tout d’un coup dans la femme du banquier.

— Par exemple ! Ne suis-je pas musicienne ? J’ai lu Racine et Corneille, un peu Boileau, tous les romans d’Alexandre Dumas que maman avait dans une armoire. Je n’ai pas besoin de m’occuper des auteurs en vogue puisque le journal m’apprend ce qu’il faut que j’en pense…

Soirès s’impatienta. Voilà que Berthe tournait au pédant !… Le suicidé se vengeait cruellement s’il avait inspiré ce regain d’instruction à la coquette créature.

Berthe avait invité, outre le comte Maxime, un vieux gérant de société, conseiller de toutes les spéculations de la banque Soirès, et une demoiselle assez connue dans le monde des lettrés par ses multiples traductions d’un unique ouvrage étranger. Cette vieille fille, de quarante ans, à poitrine plate,