Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/97

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au teint falsifié, aux allures triviales, toujours fripée, mais au demeurant bon garçon, était la grande utilité du milieu remuant de Berthe. Pour une course au Bois ou une place dans une réception officielle, mademoiselle Olga Freind aurait écouté un académicien pendant une heure, essuyé les sarcasmes de trente nouvelles mariées au sujet de sainte Catherine, et affirmé une foule de choses qu’elle ignorait.

Elle mangeait énormément, buvait de même. Il est à remarquer que ces types anormaux se rencontrent à chaque pas à Paris, depuis l’introduction dans la presse des bons auteurs étrangers, et on leur tolère les situations les plus inexplicables. Comme elles savent, en général, une dizaine de langues, ces bas bleus de tous les pays peuvent demeurer dans le nôtre sans époux, sans protecteur, sans famille, sans fortune, et personne ne s’avise de leur demander d’où elles sortent.

Quelques-unes, introduites à la suite d’une copie de manuscrit chez un personnage diplomatique, prennent des notes qu’elles envoient au roi de Prusse, d’autres s’emparent de certains billets doux oubliés sur un meuble, presque toutes assomment les directeurs de journaux de leurs prétentions à la littérature. Une Française n’oserait jamais ce qu’elles osent à l’abri de leurs dix langues parlées couramment.

Berthe avait eu l’occasion de recevoir un détaché de l’ambassade chinoise et elle avait dû recourir aux talents de mademoiselle Olga Freind, car, disait-on,