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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/106

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— Je vous prie, je vous supplie, mon enfant, de commencer par le Confiteor. Nous sommes au tribunal de la pénitence.

Laure dit la prière les dents serrées, les lèvres brûlantes. Elle tenait décidément sa vengeance, et, puisque ce jeune indomptable n’avait pas voulu la voir, il allait l’entendre… la confession permettait tout.

— Mon père, commença-t-elle avec une humilité railleuse, je vais vous scandaliser, car je suis déjà une grande pécheresse. Je n’ai encore que vingt ans, mais j’ai commis bien des fautes, et je n’espère pas beaucoup de la miséricorde divine : mon père, j’ai un amant…

L’abbé de Bréville eut un tressaillement douloureux et balbutia :

— Nous sommes de ceux qui peuvent tout entendre, et Dieu nous apprend à tout pardonner…

Ah ! elle avait un amant ! Il se cramponnait à la dure stalle de bois, incrustait ses ongles dans les montants du guichet. Seigneur ! comme on étouffait au fond de ce cercueil, et comme il faisait sombre autour de lui !

— Du courage, mon enfant, formula-t-il plus bas.

— Oui, mon père, je m’accuse de m’être livrée, et cela sans amour, pour la seule satisfaction de mes sens. Je n’aimerai jamais l’homme qui me possède, et pourtant je ne peux plus me débarrasser des liens de mon péché. Vous connaissez notre clerc, celui qu’on a surnommé le Borgne, Lucien Séchard ?