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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/111

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— Oh ! riposta Laure tranquillement, il sait les secrets !

— Seigneur ! ayez pitié d’elle !… ayez pitié de moi !… râla le malheureux. Je ne pourrai pas l’absoudre…

Et, d’un mouvement brutal, Armand de Bréville poussa le guichet, ne voulant plus regarder la bête de luxure qui faisait onduler joyeusement derrière ses épaules rondes sa queue de cheveux noirs et parfumés.

— Ce que je me fiche de ton absolution ! se disait Laure sortant de l’église à petits pas. Ne l’entendant plus bouger au fond de cette boîte obscure, de ce large cercueil posé, debout, contre les murailles, elle s’était levée, puis s’était dirigée vers le porche. Là, elle avait donné deux sous au pauvre nasillant des bénédictions, et elle rentrait chez elle d’une allure légère, la conscience débarrassée de son péché.

Le soir, cependant, une étrange tristesse s’empara de la jeune fille ; elle était vengée, mais cela ne la conduisait pas loin : Lucien Séchard la gardait, l’espionnait, la tyrannisait perpétuellement par la peur de savoir sa honte divulguée ; il la menaçait de se tuer si elle le faisait chasser. Il l’avait bien senti, ce prêtre, elle cherchait à faire des victimes, car elle était victime elle-même et elle ne pouvait guère se vanter de son triomphe : il ne lui servirait à rien. Non, elle n’aimait pas plus Armand que Lucien, elle courait aux victoires sur les hommes, poussée par une force irrésistible ; osten-