Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/112

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soir de chair tout épanoui, elle portait l’amour en elle comme un Dieu et demeurait inerte sous ses rayonnements.

Une chose lui manquait encore, les joies du cœur… Possédait-elle un cœur ? Très vaguement, comme on souffre d’une microscopique épine enfoncée au bout du doigt, elle croyait à la présence de cet objet quand elle appuyait dessus, pour compter ses palpitations, et elle éprouvait une inquiétude de ne pas aimer davantage, désirant toujours une autre sensation, une volupté plus aiguë. Une rage lui venait à songer que ce prêtre était digne, et elle l’en admira un peu, non, cette fois, pour ses yeux doux, fendus en amande, mais pour le genre de joujou qu’il lui laissait briser, pour son cœur à lui, si mystérieux, vase clos dont elle avait enfin éparpillé le trop-plein de passion. Elle ne dormit pas. Le lendemain matin, elle se leva de très bonne heure, fit sa toilette de pénitente, enveloppa sa toque d’un voile de dentelle et retourna résolument à l’église. Elle suivit la messe basse avec une attention édifiante. Qu’allait-il faire, lui, meurtri de la veille, en revoyant son bourreau ? La messe achevée, Laure égrena son chapelet par contenance. Serait-ce encore le confessionnal qu’elle prendrait pour lieu de combat ? Elle se rapprochait de l’autel, guettant l’abbé qui ôtait son surplis, lorsqu’il lui envoya le sacristain :

— Monsieur le curé vous attend, dit l’homme la saluant.