Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/114

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de gracieuses collines encore dans les langes des vapeurs matinales, et un rideau de peupliers bordant une route mettait autour de la ville s’éveillant une écharpe discrète qui harmonisait les détails vulgaires. Se détachant du fond clair de l’ogive, le prêtre, svelte, élégant et souple, paraissait plus noir, d’une mélancolie plus sévère, et ses yeux passionnés cerclés de bistre étaient mouillés, comme les roses, d’une rosée plus froide. Il indiqua un escabeau sculpté, siège d’ancien moine, à la jeune fille, et lui dit, s’efforçant de sourire :

— Voulez-vous m’aider, aujourd’hui ? Je sais que vous détestez les fleurs fausses. J’ai cueilli, cette nuit, toutes les roses de mon jardin, car je n’ai pas pu dormir, et je commence un travail qui m’effraye… Il s’agit de tresser une croix bien fragile, mademoiselle… la croix des vanités humaines, une croix de ronces fleuries. Cela manquait à mon autel, et j’ai compté sur vous pour me la fournir…

Laure le dévisageait, étonnée. Il choisissait un prétexte charmant s’il désirait succomber au milieu d’un lit de parfums, mais pourquoi ce glacial aspect ?

— À votre service, monsieur l’abbé, murmura-t-elle enlevant sa voilette et rejetant ses cheveux en arrière ; dois-je refermer la porte ?

— Oui ; nous serons seuls, je le crains ; toutes les confessions sont venues hier, et je n’ai pas de baptême, ce matin, pas de catéchisme… je n’ai