Aller au contenu

Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

plus rien à faire… qu’à préparer cette croix. Tenez, voici des ciseaux.

Il lui passa les ciseaux tandis qu’elle se penchait sur la table en lui frôlant les mains. Armand de Bréville s’affaissa dans un fauteuil de velours violet où l’on plaçait l’évêque, les jours de solennités religieuses. Il tournait le dos à la fenêtre : ses yeux, ayant pleuré toutes ses larmes, ne pouvaient plus supporter la clarté du dehors. Il restait là, résigné, courbé sous une lassitude avilissante, il causait en mondain et ne s’occupait plus de sa dignité de prêtre. Hormis une chose qu’il ne voulait pas faire, il ne résistait plus, il avouait son amour, il avouait ses lâchetés, se réservait de puiser une nouvelle rigueur dans la honte même de ses aveux. Elle ne le violerait pas ; c’était tout ce qu’il avait juré, en somme, ne pas se laisser violer, et ses jésuitismes de conscience l’assuraient de la paix maintenant. Il avait prévu qu’elle viendrait, elle était venue ; il la recevait et n’en ressentait pas plus de frayeur qu’à respirer la griserie des roses.

Laure disposa les bras de la croix et les recouvrit de fleurs, puis elle glissa dans son corsage quelques pétales tombés.

— Nous avons à causer, Laure, balbutia le jeune prêtre d’une voix lente. Vous vous êtes confessée… brutalement, et vous me trouvez encore tout bouleversé par vos histoires… des histoires de petite fille que je ne dois pas prendre au sérieux. Seule-