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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/120

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VIII

Les deux fiancés contemplaient le paysage, n’osant pas se communiquer leurs réflexions. Après ce grand dîner de cérémonie, on les avait laissés seuls sur la terrasse, et la lune se levait, les noyant d’une mélancolie douce qui les empêchait de trou ver les phrases de circonstance ou simplement banales Henri Alban cherchait quelque chose de gracieux, en harmonie avec la belle soirée, tout en caressant son étui à cigares que, par politesse, il ne pouvait ouvrir. Laure, palpitante, les yeux humides, attendait une exclamation amoureuse qui ne venait pas.

À leurs pieds, la ville d’Estérac dormait dans une brume piquée ça et là des petits points d’or des lampes, et semblait un lac aux remous sombres reflétant des étoiles.

Lorsque la lune émergea, pas très ronde, d’une lumière un peu rougeâtre, l’air d’un œil triste au front de ce ciel de printemps, encore tout rempli de nuées sourcilleuses, Laure eut un tressaille-