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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/119

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— Porte-moi, mon frère, porte-moi, emporte-moi !

Laure le vit défaillir, elle eut pitié de ce passionné orgueilleux que les jeûnes et les luttes exténuaient.

— Pardonnez… je suis une cruelle, balbutia-t-elle, se remettant à ses genoux, pendant qu’il retombait à demi évanoui sur le fauteuil ; oh ! je vous ai fait du mal.

— Non, chère petite sœur, vous avez eu raison, au contraire, de dire cela… Vous avez rompu le charme, le démon s’est enfui ! Soit… je vous porterai… jusqu’en paradis.

Laure joignit les mains.

— Je vous obéirai, ne pleurez plus !

— Vous me le jurez, ma sœur ?

— Je vous le jure… à une condition (et elle baisa l’extrémité de l’écharpe du prêtre), c’est que votre sagesse ne vous fera pas plus de tort, auprès de Dieu, que ma folie, monsieur l’abbé !

Ils se sourirent, et, ranimé, le jeune homme se leva, se dirigea vers le seuil de la sacristie en disant :

— Quand j’aurai la force de reprendre ma croix, je reviendrai. Terminez votre œuvre, ma sœur chérie ! Les fleurs se fanent vite…