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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/126

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Puis elle se raisonna. Elle voulait courir quand celui-ci marchait, n’osait même pas se risquer sur ce mystérieux terrain des fiançailles. Il fallait revenir à la réalité, se réserver davantage, ne pas lui jeter son cœur fraîchement épanoui comme elle avait jadis jeté sa personne. Une pudeur tardive l’envahissait et lui paralysait les membres. Désolée, à présent, de ne pas se trouver plus naïve, plus désirable, elle serait tombée volontiers à ses genoux pour implorer son pardon ; mais il était trop tard, maintenant, elle n’avait plus qu’à se laisser marier. Ce qu’elle acceptait la veille comme une sauvegarde et une réhabilitation, elle l’acceptait aujourd’hui pour en faire une expiation définitive ; elle porterait tout le poids des fautes passées, le remords et sa colère s’il s’en apercevait. S’il ne s’en apercevait pas (un homme de vingt-six ans n’a jamais toutes les expériences), elle se donnerait si bien, l’aimerait tant, s’absorberait tellement en lui qu’elle pourrait encore devenir une honnête femme.

Cet amour l’avait prise brusquement, à l’heure même où elle l’avait vu entrer chez eux, là, derrière ces brumes, dans ce coin de ténèbres où gisait la maison verte, dans cette tombe où elle était née. Tout à coup, il lui avait semblé qu’elle apercevait un homme extraordinaire.

Et il ne lui montrait rien de plus séduisant qu’un autre. Il était blond, d’un blond cendré un peu terne, il avait les traits réguliers, le teint blanc,