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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/129

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— Le pauvre garçon, on croirait qu’il est tombé sur de la gelée de groseilles !

Et, de bonne grâce, elle avait ri, ri aux éclats.

Cependant, Laure s’inquiétait de la froideur d’Henri. Elle s’en tourmentait tout en découvrant une nouvelle saveur à ce genre d’amour trop respectueux. Le prêtre, choisissant un homme calme, de sens tranquilles, par une secrète jalousie d’amoureux privé des jouissances charnelles, ne se doutait pas qu’il fournissait à la jeune passionnée une excitation plus terrible pour elle que les caresses impétueuses d’un rustre. Laure puisait ses principales joies cérébrales dans ce respect du futur mari. C’était, pour elle, un double attrait de se sentir à peine effleurer les doigts et de savoir, en même temps, qu’on désirait tout, qu’il lui faudrait tout abandonner… Elle minaudait, accordant sa main, et elle offrait son corps dans cette petite main ouverte. Ce qu’ignorent ordinairement les jeunes filles, elle le savait, et elle complétait des phrases, elle achevait les gestes, elle possédait la signification de tous les emblèmes. Se torturant à sonder l’esprit de cet homme froid, elle inventait des questions plus ingénues encore que l’usage ne le permettait. Elle trouvait des situations équivoques pour essayer de lui faire perdre sa retenue, et le jugeait sur un mot, sur un sourire, le pétrissant déjà tout à son image, le dotant d’une hypocrisie pareille à la sienne. La folie des sens l’avait mûrie pour des folies plus délicates, les voluptés