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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/134

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— Monsieur, je vous remercie pour toutes vos bontés. Certes, je ne trouverai pas de patron meilleur, ni au chef-lieu, ni dans tout l’arrondissement.

— Que voulez-vous, Séchard, la destinée nous ordonne de nous séparer.

— Une cruelle destinée, monsieur Lordès.

— Oui ! Oui !… Dix ans de loyaux services… Si je ne mariais pas ma fille, Séchard, vous ne me quitteriez plus.

— Enfin, on ne fait pas ce qu’on veut, dans la vie !

— Tiens, Séchard, embrassons-nous…

Et le patron avait serré Lucien dans ses bras, en évitant, comme il l’avait expliqué le soir à sa femme, de se coller sur la figure cet œil du borgne qui distillait des larmes rouges.

On l’avait invité à dîner pour la seconde et la dernière fois, mais il s’était excusé, sentant que sa place demeurait encore marquée à la table de la cuisine, malgré leurs attendrissements.

— Vous mangerez avec nous ! appuya le notaire en veine de générosité.

S’asseoir près de Laure, près de la fiancée ? Non, il ne le pourrait pas, et le clerc eut un singulier haussement d’épaules : il refusa de nouveau.

Henri Alban, pénétrant dans l’étude, lui trouva un aspect fort calme ; le clerc amateur et le clerc peu payé se tendirent la main, s’effleurèrent le bout des doigts et se mirent tout de suite à examiner les