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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/135

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différentes dispositions des cartons verts. Ils se connaissaient pour s’être vus de loin ; Henri avait pitié, Lucien témoignait du respect. Le notaire, dès qu’il les vit paperassant de bon cœur, s’éclipsa pour aller rejoindre ce sacré coureur de chevaux à la gendarmerie et lui faire de la morale. La porte de l’étude se referma.

— À gauche… murmurait Lucien Séchard, toutes les affaires concernant la ville, et à droite toutes les affaires concernant la campagne. Là, sur cette armoire vitrée, vous trouverez le timbre, les bouteilles d’encre, une provision de papier buvard… Les fournitures de bureau sont presque nulles ici… vous pensez que l’ouvrage n’abonde pas…

— Je sais, de rares clients et de mauvais clients, fit Henri fronçant la bouche dédaigneusement ; le papa Lordès néglige l’étude pour le métier de liquoriste, et il a des routines…

Il acheva sa phrase par un geste impatient et alluma un cigare. Il conservait de la liqueur verte un goût amer qui l’irritait. Lucien répliqua :

— Oh ! c’est un brave homme… un aveugle.

Henri faillit éclater. Ce borgne traitant un autre d’aveugle lui parut très drôle.

— Vous plaisantez, monsieur Séchard.

Lucien leva son œil bleu et son œil rouge ; il dit avec un rictus bizarre :

— J’en suis sûr, monsieur.

Il dura longtemps l’examen des dossiers moisis,