fiancée a un amant, le pire des amants, un misérable, bien pauvre, bien laid, bien lâche… (il s’arrêta encore, étouffant, les mains tremblantes). Je vous l’affirme, elle a un amant bien indigne, monsieur.
Henri Alban s’était brusquement levé. L’œil rouge qui luisait en face de lui ne le faisait plus sourire. Ou ce garçon s’affolait dans le chagrin du départ, ou il se vengeait pour des raisons terribles qu’il importait d’éclaircir sur-le-champ.
— Vous mentez ! bégaya Henri ramassant son cigare par contenance.
— Alors, murmura Lucien, sans bouger de sa place, vous ne l’aimez guère… Pourquoi ne m’empoignez-vous pas à la gorge ? Hein ! je mériterais d’être étranglé, monsieur !… Oh ! vous ne l’aimez guère ; moi je n’aurais pas répondu, j’aurais tapé. Cet amant, monsieur, c’est moi, moi, Lucien Séchard, le borgne… entendez-vous, c’est moi, et j’ai bien envie de mourir.
Henri se rassit, la physionomie bouleversée, n’osant plus le dévisager. Il essaya de railler ce garçon qui demandait l’aumône d’un bon coup, en plein crâne.
— De mieux en mieux ! Et vous avez les preuves de ce que vous avancez, monsieur Séchard ?
— Je n’ai aucune preuve, mais questionnez Laure, vous verrez !
— Vous êtes un ignoble drôle, mon pauvre Séchard, vous êtes malade !