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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/137

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de plus en plus que cela ressemblait à de la gelée de groseilles.

Il y eut un silence. Lucien se mordillait les lèvres, calculait déjà la portée de ses révélations et ne se pressait pas. Henri fumait, très anxieux, ne sachant pourquoi.

— Monsieur Alban, reprit Séchard coupant ses syllabes de pauses, vous serez peut-être le clerc de mon patron, mais vous ne serez pas son gendre. Je voudrais vous expliquer ces choses, sans faire trop de discours. Je ne liens pas à demeurer inutilement dans cette maison, mes minutes étant comptées ; aussi je me borne à ce qui vous intéresse d’une manière plus spéciale ; mademoiselle Lordès, votre fiancée, a un amant.

Henri tressauta sur son fauteuil, laissa tomber son cigare, et, tout blême, s’écria :

— Monsieur, vous êtes un misérable !

— En effet, je suis un misérable, soupira Lucien haletant, je suis pauvre, je suis laid, je suis lâche, et cependant il faut que je déclare la vérité, puisqu’il est écrit que celui qui connaît un empêchement légitime au mariage doit le révéler sous peine de péché mortel. Vos bans sont publiés, la robe blanche est cousue, comment rompre sans esclandre ? je vous plains sincèrement, vous ne m’aviez pas fait de mal… (Lucien s’arrêta pour respirer). Non, vous ne m’avez pas fait de mal. L’heure est venue, et une heure qui m’a été payée, monsieur, l’heure est venue de vous dire : votre