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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/152

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entendait les lamentations confuses d’une troupe de femmes, les plaintes rageuses de madame Séchard qu’on voulait empêcher de se rouler sur le brancard où ballonnait un corps monstrueux, sous un drap. Une clameur de louve s’éleva, vint s’engouffrer dans le sonore vaisseau de la nef, des échos semèrent des syllabes parmi les ombres. La réfugiée perçut distinctement un nom, celui de ses parents que flétrissaient, en public, toute une série d’injures :

— Vous entendez, monsieur le curé, ricana-t-elle d’un ton dédaigneux, il faut que je parte pour ne plus revenir. Ces gens-là sont des brutes !

Et Armand de Bréville, le danger s’éloignant, alla se prosterner devant l’autel, implorant la miséricorde divine puisqu’on ne pouvait plus espérer celle des hommes.

Les Lordès, en effet, avaient chassé leur fille. Le scandale s’était abattu sur eux comme la foudre, et ils n’avaient pas eu le temps de réfléchir.

Un soir, le père à moitié gaga, la mère presque idiotisée, la poussant tous les deux dans le ruisseau de la rue, lui avaient crié :

— Sortez d’ici, prostituée, sortez d’ici, notre maison est une maison honnête.

La mercière d’en face, prenant le frais sur son seuil, les voisins du notaire au courant de cette histoire fabuleuse d’une belle fille s’étant livrée à un borgne, tous l’avaient vue dégringolant le perron à peine vêtue d’un jupon de percale et d’une cami-