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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/153

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sole, tous d’un commun accord fermèrent leur porte. Et ce paquet de chiffons blancs, l’allure du flocon de neige que le vent faisait tourbillonner, s’était enfui, sans un mot, sans un appel au secours, on ignorait dans quelle direction ! Pourtant, Laure fuyait rouée de coups. Le père avait saisi une canne après une scène horrible, la mère l’avait déchirée de ses propres ongles. Ils ne se souvenaient plus de la belle et fière angélique tant désirée, si bien cultivée ! Ça, ce n’était plus ni la petite, ni Laure, ni mademoiselle Lordès ! C’était une chienne que les chiens viendraient flairer sous leur toit, une prostituée dont les vices éclataient subitement comme un feu internai… Peut-être auraient-ils dû se rappeler leurs ardeurs de jadis à la créer, avant de la détruire, leurs ardeurs à la faire jolie et séductrice, à lui couler dans les veines un sang riche fortifié des épices de tous les coins du monde, des aphrodisiaques produits de tous les pays chauds où l’amour s’assaisonne de piments rouges ; mais ils étaient vieux : les ardeurs éteintes ne pardonnent guère ; dans les sentiments légitimes on ne compte pas l’indulgence. Par-dessus tout, ils lui reprochaient (goutte d’amertume ayant fait déborder la coupe) le départ solennel de leur servante Joséphine, qui leur avait flanqué son tablier au milieu du salon…

Alors, mademoiselle Lordès, trouvant l’église au bout d’une course folle de bête traquée par la meute, s’y était jetée, la tête baissée, imitant la