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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/157

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des fruits, du pain, du pâté, des gâteaux, et buvait à même les burettes de la messe. Puis elle s’étirait les membres, bâillant, feuilletant des livres latins par distraction, pour voir les images coloriées, et enfin, le sourire plein de malice, l’œil sournois, guettant de droite et de gauche, elle se rendait dans une encoignure sombre, se glissait derrière une draperie mortuaire, lamée de larmes blanches en points d’exclamation, et se servait là, comme d’un seau de toilette, d’un ancien bénitier romain. Cela s’accomplissait gracieusement, avec l’air hypocrite d’une jolie bête lustrée, qui flâne pour… le plaisir de flâner. Elle soignait sa personne comme d’habitude, puisait de l’eau dans le baptistère, se lavait les mains, le visage, et pratiquait ses ablutions dans la même tranquillité d’esprit que si elle se fût arrêtée sous un arbre ! Le malheureux prêtre se torturait pour lui donner ses aises, et n’osait plus entrer quand elle, déjà peignée, l’attendait vers cinq heures du matin, comme on attend le valet de chambre qui doit vous apporter le chocolat.

— Laure, avez-vous prié ?

— Non, mon frère, j’ai faim !… Quelles nouvelles ?

— Voici des fraises, de la tarte et une aile de poulet. Oh ! ma pauvre enfant, je ne pouvais pas dormir, cette nuit ; je pensais qu’il y avait le feu et qu’il nous fallait sonner le tocsin. Allons, ne demeurez pas là. Mon sacristain ou les enfants de