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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/156

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mais la seconde nuit elle avait ri, d’un rire muet, en contemplant, à la clarté de la lune, un ostensoir vide qui rayonnait moins à le regarder de bien près… Elle était beaucoup plus tranquille au fond du sanctuaire de son juge que dans son lit de jeune fille. Environnée d’une discrète odeur d’encens, elle reposait comme l’idole véritable qui est rétablie à sa place primitive, le genou sur le cœur du prêtre et le pouce à la gorge du Christ.

C’était simple et naturel. Une halte méritée entre la vie de mensonges qu’elle avait menée chez elle et la vie de passions libres qu’elle mènerait là-bas. Elle était l’animal roi, la bête maudite et caressée, la bête qui gîte où elle peut et se fait un nid douillet du plus affreux désordre. Elle trônait par-dessus les prières, car elle était innocemment féroce — comme Dieu. D’ailleurs, si Dieu n’était pas content de la rivalité, il pouvait parler… Et elle interrogeait le mystérieux silence de l’église, qui ne répondait rien.

Durant ces huit jours, d’une longueur mortelle pour le prêtre, son geôlier, elle avait rêvé de la conquête d’Henri Alban ! Elle connaissait son adresse à Paris, et elle irait le trouver, lui dirait simplement : Me voici, et poserait sa robe. Avant, elle désirait guérir ses plaies, bien effacer les égratignures de sa mère. Quant au suicide, elle n’y songeait plus, ne s’avouant pas que cesser d’aimer c’est quelquefois commettre un meurtre. Elle mangeait ce qu’Armand lui apportait en cachette,