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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/166

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hérissée d’aiguilles, son cœur s’était ouvert brusquement à une immense tendresse pour une minuscule enfance. Le nouveau-né ne voulait pas mourir, lui ! Il se cramponnait, s’aidant d’on ne savait quelle gymnastique apprise dès le ventre de sa mère, la féline, et il miaulait d’une voix relativement formidable, d’une voix de maudit qui accuse la société, blasphème avant le coup de pied final. Laure l’avait recueilli, l’avait glissé dans son corsage, bravant l’opinion publique.

Et elle l’avait sauvé tout de même. Plus tourmentée qu’une récente accouchée que travaille la fièvre, plus patiente qu’une garde-malade, durant un mois elle s’était levée, la nuit, pour le faire boire, lui offrir à téter au bout d’un brin d’éponge ; elle l’avait tenu au chaud dans le tiède berceau de ses bras, ne remuant plus de peur de le réveiller, torchant ses petites déjections avec des soins minutieux et ne se plaignant pas quand le poilu marmot s’oubliait au lit. Elle avait acheté une lampe veilleuse munie d’un récipient pour les tisanes, sur laquelle son lait conservait la température voulue, et c’étaient des terreurs quand un grêle miaulement montait de la corbeille garnie de ouate : la jeune femme se précipitait, s’imaginant qu’il avait froid ou demandait son biberon. Henri se fâchait et la traitait de folle, scandalisé par cet autre genre d’exagération sensuelle.

— C’est absurde, répétait-il, absurde ! Lorsque tu n’as pas de motif suffisant pour expliquer tes