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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/174

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rés par un mur, marchant les mains unies au-dessus d’un abîme ! Laure arrivait d’on ne savait quelle forêt, tout imprégnée du parfum des verdures magiques, et lui descendait d’un établissement d’hydrothérapie où l’on douche les jeunes hommes qui ne sont même plus fous, et où on les gratte joliment à la pierre ponce pour leur ôter toutes les rugosités de mâle ! La jeune femme était heureuse d’une simple caresse donnée sans y penser. Le jeune homme consultait sa montre avant de se rendre de la rue Racine à la rue de Seine, et se tâtait pour savoir si, réellement, il était bien nécessaire d’aimer ce soir-là !… D’ailleurs fort poli avec sa maîtresse, il possédait sa seconde clef pour le décorum, ne l’introduisait jamais dans la serrure avant de sonner discrètement, s’attendait chaque fois à dénicher un rastaquouère derrière les rideaux jaunes. Il s’étonnait de cette longue passivité de bête fauve qui souffre et ne se venge pas. Il ne pouvait guère lui reprocher que son excessive tendresse, ses spasmes éperdus, puis il demeurait froid, le cœur clos par les théories mesquines du Monsieur rangé. Il avait aimé cette jeune fille pour en faire sa femme et non pas pour en faire une cocotte. Il avait rêvé une si charmante médiocrité d’amour, au temps de ses désirs de fiancé, une si douce vie de père de famille, qu’aujourd’hui il ne devait pas se répandre en prodigalités sensuelles sous le spécieux prétexte qu’elle se métamorphosait en fille prodigue ! Il y a des choses qu’un gar-