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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/176

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phique, langage qu’elle écoutait les yeux fermés, comme une créature soumise aux humiliations, acceptant tout plutôt que d’y voir clair, et se serrant contre lui comme la chienne qui sait pourtant que son maître veut la perdre à tous les coins de rue.

Oh ! elle la devinait, la muraille épaisse bâtie entre eux deux. Elle s’était juré de la faire fondre sous ses baisers violents, elle l’entourait de ses bras croyant presser l’homme et ne retenant que des pierres aux sculptures gracieuses, il est vrai, aux angles très arrondis, ne la blessant que juste ce qu’il fallait pour ne pas trop lui détériorer le cœur, mais des pierres !…

Le crépuscule tombait. Toujours le petit chat blotti sur sa jupe ronronnait : ainsi une abeille aux ailes emprisonnées et froufroutantes. Un silence d’abandon pesait autour de ce bruit monotone, à peine perceptible même pour l’oreille de Laure, la mère du petit sommeillant. Elle se sentait seule, en dehors de toute la société, mise au-dessus des filles gaies, au-dessous des femmes respectables, dans une sorte de dépendance domestique, et libre cependant d’aller n’importe où se chercher une nouvelle cage. Qu’avait-elle de commun avec un être doué de raison ? L’amour ! Mais, son amour, on ne le partageait pas ! Il semblait de qualité inférieure, manquant d’on ne savait quelle dignité humaine ! Et Laure, attristée par une ébauche de réflexion dont les méandres se terminaient loin, dans les