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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/179

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nuscule, ne redoutait pas. Laure, pour le calmer, versa du lait dans une soucoupe : il refusa de boire, il voulait un morceau de viande, et elle dut, malgré son dépit, lui en offrir une bribe ; il avança la griffe en grondant, ses fines moustaches hérissées, vainqueur enfin puisqu’il avait, pour la première fois, planté ses petits crocs dans la chair.

— Maintenant, tu ne voudras plus de brioche ni de mie de pain, soupira Laure désolée, d’un ton de maman qui se voit dominer par l’enfant trop gâté, petit polisson !

Le chat se roula dans ses seins, la mine tendre, la caressant pour en avoir davantage, et elle lui en donna encore, dépouillant peu à peu la jolie volaille dorée de sa peau croustillante.

— Ce sera moins présentable, voilà tout, se disait-elle, taillant et rognant du bout de son couteau, pendant que Lion, assis sur une serviette, guère plus haut que le verre vénitien, attendait la proie en se léchant les lèvres. Elle mangea aussi, mise en appétit par la bonne odeur du poulet. Une minute, ils tirèrent chacun de leur côté la cuisse, qu’ils détachèrent sans fourchette.

Mon Dieu, s’écria Laure, si Henri nous voyait, il se moquerait de nous… (Elle ajouta, le front tout assombri) Huit heures ! Non, il ne reviendra pas… et il ne m’aura même pas prévenue !

Elle achevait à peine sa phrase qu’on frappa discrètement à la porte, comme le jeune homme avait l’habitude de le faire. Elle s’élança, son chat